Le nom de famille, ce n’est pas le nom d’usage. Le nom d’usage peut être utilisé au quotidien avec grande liberté. Mais que devient ce nom en cas de divorce, de décès ou de remariage ? Que dit la loi ? Que risque-t-on si on l’utilise sans autorisation ? Ouest-France vous répond.
Dans la loi seulement depuis 2013
« La possibilité offerte aux personnes mariées de porter à titre d’usage le nom de leur conjoint fait partie des dispositions de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (auparavant, c’était un usage qui ne figurait pas en tant que tel dans la loi au titre du mariage, seules les lois successives sur le divorce et la séparation de corps traitaient de la question du nom marital) », explique Caroline Bovar.
Désormais, avec cette loi, la possibilité de porter le nom de son conjoint est inscrite dans le Code civil avec l’article 225-1 qui dispose que « chacun des époux peut porter, à titre d’usage, le nom de l’autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l’ordre qu’il choisit ».
« Concrètement, cette inscription dans la loi de 2013 visait à mon sens à garantir le doit du port du nom du conjoint aux couples de même sexe aussi, à leur éviter d’essuyer un refus de personnes qui auraient imaginé que l’usage ne pouvait s’appliquer qu’aux couples mariés unissant un homme et une femme. »
Dans quels cas, comment et jusqu’où peut-on utiliser un nom d’usage ? L’arrêté du 20 mars 1985 indique simplement que chacun des époux peut porter le nom de son conjoint « dans la vie courante »… « Mais qu’est-ce que la vie courante ?, questionne la sociologue. La circulaire du 26 juin 1986 insiste sur la liberté, à la fois de choix (porter ou non le nom de son conjoint) et de pratique : « La mise en œuvre par l’intéressé du nom d’usage qu’il a choisi est laissée à son entière liberté. ». »
En cas de divorce
Sur le devenir du port du nom du conjoint en cas de divorce, ce sont aujourd’hui les dispositions de la réforme du divorce de 2004 – loi du 26 mai 2004 – qui s’appliquent. Elles figurent dans le Code civil, à l’article 264 : « À la suite du divorce, chacun des époux perd l’usage du nom de son conjoint. L’un des époux peut néanmoins conserver l’usage du nom de l’autre, soit avec l’accord de celui-ci, soit avec l’autorisation du juge, s’il justifie d’un intérêt particulier pour lui ou pour les enfants. »
« Il faut donc, pour pouvoir continuer à porter le nom de son ex-conjoint après un divorce, obtenir l’accord formel de cet ex-conjoint lors de la procédure de divorce – ou si l’ex-conjoint refuse, en faire la demande au juge en motivant la demande par « un intérêt particulier » », ajoute la sociologue.
Là, deux exceptions sont possibles. Soit l’époux autorise son conjoint à conserver son nom à titre de nom d’usage et cela peut être limité dans le temps ou dans l’utilisation. Par exemple, l’ex épouse peut porter le nom de son ex-mari pour 10 ans. Soit le port du nom est refusé et dans ce cas, la personne désireuse de porter le nom de son ex-mari peut en faire la demande auprès du Juge des affaires familiales.
Là, deux options aussi : l’argument professionnel et l’argument d’unité familiale. Si l’argument est professionnel, il faut mettre en avant le fait que c’est ce nom d’usage qui est connu et reconnu dans l’exercice professionnel et changer de nom pourrait mettre ce dernier en péril (perte de clientèle, perte de visibilité etc.). Si l’argument est familial, il est possible de mettre en avant l’intérêt des enfants et de l’unité familiale d’un nom commun porté par toute la famille.
L’appréciation se fait alors au cas par cas, la décision peut être provisoire. À savoir, la durée du mariage peut être un argument supplémentaire.
En cas de décès ?
La réponse sans équivoque est sur le site officiel de l’administration française. Vous pouvez garder le nom de votre époux ou épouse décédé(e) comme nom d’usage, sans aucune démarche à faire. « J’ai pu constater dans mon enquête, notamment auprès de femmes âgées, que le veuvage renforçait l’attachement sentimental au nom du conjoint », dit Caroline Bovar.
En cas de remariage
« Cette éventuelle autorisation donnée par l’ex-conjoint de continuer à utiliser son nom après le divorce disparaît en cas de remariage de celui/celle qui l’utilisait jusque-là », ajoute la sociologue. Cette disparition de l’autorisation figure explicitement dans la Circulaire du 26 juin 1986 relative à la mise en œuvre de l’article 43 de la loi du 23 décembre 1985. Cette circulaire visait à expliquer ce qu’est un nom d’usage, ce qu’on peut en faire, et a ajouté un point concernant la question du nom marital lors d’un remariage.
« Cette disposition paraît un peu curieuse. Au vu des résultats de mon enquête, il me semble que le plus souvent, une femme qui se remarie ne veut plus porter le nom de son premier mari. L’éventuelle envie d’avoir le même nom que ses enfants tend à s’effacer derrière des considérations plus sentimentales. Les femmes qui, sans se marier, se remettent en couple, cessent aussi en général, plus ou moins vite de porter le nom de leur précédent mari, explique Caroline Bovar. Quand elles essaient de le conserver, cela indispose leur nouveau compagnon. De fait, c’est l’homme qui se remarie qui est potentiellement gêné par le fait d’avoir autorisé son ex-femme à porter encore son nom. Il arrive parfois que sa nouvelle épouse n’apprécie guère qu’il y ait une autre femme qui porte encore la marque du mariage avec celui qui devient maintenant son mari à elle. »
Et si je l’ai déjà porté, puis lâché, puis-je le reporter à nouveau ?
« Oui », répond franchement Caroline Bovar. En la matière, la liberté est totale. « Chacun et chacune définit le périmètre relationnel dans lequel il ou elle veut porter le nom de son conjoint ainsi que la temporalité : le faire un jour et pas le lendemain… Le quitter, le reprendre, le quitter encore… Bien des femmes agissent ainsi aujourd’hui, se faisant appeler par le nom de leur mari dans les situations où elles s’occupent des enfants (école, clubs de loisir des enfants…) tout en « gardant » leur nom au travail par exemple. D’autres ont des pratiques plus désordonnées tout en utilisant parfois un nom (leur nom), parfois un autre (celui de leur mari)… Avec des schémas évolutifs. La seule limite est le ressenti d’un besoin de cohérence. Quand on ne sait plus trop avec quel nom on s’est présenté devant le médecin où sous quel nom on a commandé un objet sur Internet pour pouvoir le récupérer… », conclut la sociologue.
Une sanction en cas d’utilisation sans autorisation
Si l’interdiction ou la temporalité du port du nom d’usage n’est pas respectée par un époux, ce dernier peut se voir interdire l’utilisation de ce nom, même sous astreinte. C’est-à-dire qu’une épouse qui continue de porter le nom d’usage de son ex-époux après la majorité de ses enfants, date à laquelle la temporalité d’autorisation du port du nom avait été fixée, peut être astreinte à payer une somme chaque jour de plus qu’elle le porte.
Si l’ex-époux dont le nom est utilisé subit des préjudices, des dommages-intérêts pourront être considérés.
crédit photo Archives Ouest-France
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